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Le Forum Blockchain était aussi un lieu de réflexion pour les avocats et les juristes !


Le 3e Forum Blockchain s'est tenu mardi 18 juin à la Maison de la Chimie.


De la blockchain, nul besoin à ce stade de décrypter en détail les tenants et aboutissants technologiques. Un point essentiel qu'il faut avoir en tête est l'importance de la conception de sa solution blockchain, pas seulement technique mais fonctionnelle. Les règles de gouvernance, accès, conservation, décisions sont libres. C'est un formidable terrain de jeu pour les juristes et les avocats !


Les thématiques mises en avant lors de cette demi-journée de réflexion témoignent d'une arrivée à maturité de la technologie blockchain et posent la question de la suite.


En effet, après une première phase d'émergence qui est en train de s'achever, s'ouvre une ère d'expérimentation. Plusieurs projets ont démarré et sont désormais opérationnels : finance, agro-alimentaire, legal, gouvernemental...


Aussi, pour préparer la phase d'après, le forum a tenté de répondre à la question suivante : comment déployer cette technologie auprès du grand public ?


Pour une blockchain de confiance


D'abord, en établissant la confiance. C'était le thème de la première table-ronde : "Quelles conditions nécessaires pour une véritable blockchain de confiance ?" autour d'un panel d'intervenants politiques (tels Jean-Michel Mis ou Christine Hennion, députés), scientifiques (Primavera de Filippi, CNRS, Thomas Prudhomme BPI) ou techniques (Nadia Filali de la Caisse des Dépôts, Jérôme Sutour, CMS Francis Lefebvre).


Comme le mentionne Mme de Filippi, la notion de confiance recoupe 2 notions que l'anglais distingue : celle de trust c'est-à-dire de confiance directe entre personnes et celle de confidence, c'est-à-dire prédictabilité. De ce point de vue, il y a un premier enjeu de Regtech (mot-valise recoupant Technologie et Règlementaire). Cet enjeu consisterait à faire labelliser les blockchains par le régulateur et permettre ainsi d'alléger les obligations réglementaires en faisant confiance à la blockchain pour remplir cette mission.


Pour Jean-Michel Mis, le législateur doit en effet créer les conditions de la confiance afin que la blockchain passe a l’échelle, qu’on sorte des cas d’usage. Or, les acteurs français n’auront peut-être pas les moyens de faire le marché, faute de taille suffisante. Ils risquent de se faire dépasser en termes d’impact par des acteurs comme Facebook qui disposent de 2,5 milliards d'utilisateurs et peuvent facilement imposer leurs outils. Il n'est pas sûr que ces acteurs soient réellement dignes de confiance d'un point de vue juridique, éthique et de souveraineté. C’est donc à l'échelle de la Commission Européenne qu'il faut se mobiliser et permettre l'émergence d'un marché européen de la blockchain.


La blockchain est encore dans les limbes, dans les prémisses. Thomas Prudhomme attend le "point Netscape", ce moment où Internet est sorti de l'enfance grâce au premier navigateur qui a permis à tout un chacun de pénétrer facilement dans l'univers Internet et de créer facilement du contenu. Ce moment décisif s'est peut-être déjà produit pour la blockchain, sans que l'on s'en aperçoive, ou peut-être arrivera-t-il bientôt. En tous les cas sans un outil accessible, peu de chance de voir l'émergence de la blockchain comme une technologie digne de confiance et d'usages.


Pour Nadia Filali, les questions posées par les blockchains publiques sont importantes : qui contrôle, quelle interoperabilité, etc. Cette technologie doit être conçue dans une logique d’ouverture (open source) et d’interoperabilite (API). C'est dans une architecture conçue de le sorte que la confiance et le passage à l’échelle seront possibles.


Enfin, Jérôme Sutour insiste sur les enjeux juridiques de cette technologie, par son caractère extra-territorial permanent, sa dépendance extrême à la conception et à l'architecture de la blockchain que l'on souhaite utiliser. Sur le plan du droit, le champ d'étude est totalement nouveau et soumis à une réglementation qui se construit au fur et à mesure.


De l'expérimentation à l'industrialisation : comment accélérer le déploiement massif de la blockchain ?


En effet, comment scaler ? Geoffroy Cailloux, de la Direction Générale du Trésor et Domitille Dessertine de l'AMF insistent sur la qualité de la réglementation française et des perspectives et garanties qu'elle offre aux acteurs privés pour déployer leurs innovations.


Mathieu Lesueur, consultant chez Talan et François Stephan insistent sur les enjeux de la transformation et du questionnement stratégique. La blockchain n'est pertinente et utile que dans certains cas spécifiques et ne représente pas forcément une bonne solution pour l'organisation. On ne peut scaler qu'un modèle économique s'appuyant sur une technologie, non une technologie en tant que telle. Dès lors, c'est bien la question stratégique de Que veut-on faire ? qui se pose en premier.


Stefano Volpi, co-fondateur de Connecting Food, a pu témoigner par les cas d'usage qu'il déploie chez ses clients du travail complexe et collaboratif qui entoure la notion d'industrialisation. C'est par l'itération, la méthode Agile, les échanges clients et une vision stratégique que l'expérimentation devient industrialisation.


Pour Pierre Perso, député LREM de Paris, les administrations doivent s'approprier le sujet et s'interroger sur leurs propres besoins. Ont-elles lister les cas d'usage possibles ? Se sont-elles interrogées sur l'apport que pourrait avoir la blockchain sur leurs objectifs ? Ces questions sont un préalable et une condition clé pour bénéficier des expérimentations lancées et les mettre en oeuvre à grande échelle.




Preuve de l'importance politique du sujet, les députés Eric Bothorel (LREM) et Laure de la Raudière (AGIR) , respectivement parrains et marraines de l'événement, ont insisté sur les perspectives importantes et déstabilisantes que contient la blockchain. Le rapport parlementaire rédigé sur le sujet l'an dernier, le décret du 24 décembre 2018 étaient des premiers pas encourageants. L'article 26 de la loi PACTE confirme cette consolidation réglementaire en définissant les conditions d'obtention d'un visa par l'AMF et en précisant les conditions d'imposition (consultez un éclairage juridique ici). Néanmoins tout reste à faire pour ancrer ces thématiques dans un quotidien.


Cédric O, secrétaire d'Etat au Numérique, a conclu les travaux par un discours résolument optimiste et volontariste afin que la France conserve son "avance" législative dans le domaine et la consolide par une vision plus large.


Conséquences pour les professionnels du droit


Ne vous intéressez pas à la technologie blockchain, intéressez-vous à son fonctionnement ! C'est là le message clé qu'il faut retenir. En effet, il est de nombreuses situations où la blockchain n'apporte aucune valeur ajoutée au client. A l'inverse, de nombreux cas d'usage ne sont pas réalisables sans la blockchain. La question importante est plutôt de concevoir une solution parmi une grande diversité de possibilité.

Le Legal Design joue ici un rôle clé s'il est intégré dès l'architecture fonctionnelle de la solution, et préalablement à son architecture technique. Car les règles de gouvernance, de décision, de validation sont des règles éminemment juridiques et pas uniquement fonctionnelles.


D'autre part, la blockchain en tant qu'outil de régulation et de conformité, a comme rôle principal d'être un tiers de confiance entre acteurs économiques ou civils. C'est bien un rôle juridique qui doit être pensé comme tel et réfléchit, conçu et challengé par des juristes et des avocats.


Il est donc tout à fait utile, pour ne pas dire nécessaire, aux professionnels du droit de s'intéresser au sujet. La seule question qui vaille est : quand ? Maintenant, pendant l'élaboration et l'expérimentation ? ou dans quelques années, lorsque des standards s'imposeront progressivement ? Suivant votre appétence pour la nouveauté et votre volonté de travailler des sujets nouveaux, chacun de vous, juristes, avocats, avez le choix !

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